Dans cet article nous revenons à la question vivement discutée pendant la première moitié du siècle passé, qui portait sur l’origine de la notion de « l’extase mystique » et établissait un rapport entre la partie finale du Tr. 9 de Plotin (c. 11, 22–26, à propos de l’ ÆkstasiV éprouvée dans le sanctuaire) et l’oeuvre de Philon d’Alexandrie, notamment le Quis rerum divinarum heres sit 249 sqq. Dans ce dernier ouvrage Philon commente un verset de la Genèse 15, 12, où il s’agit d’une ÆkstasiV qui tomba sur Abraham. A ce propos Philon distingue, explique et illustre par les exemples tirés des Ecritures quatre significations du mot ÆkstasiV. Notre étude a montré que, bien que la classification de Philon suit l’exemple de celle des quatre espèces de la « folie », man%a, proposée dans le Phèdre de Platon (244 a sqq), elle assigne une place la plus élevée à l’état de la possession prophétique. Cela est du à la prestige de la figure des prophètes dans l’Ecriture et dans la religion juive, où leur inspiration extatique est tenue pour l’expérience la plus parfaite du contact avec Dieu. Ainsi le mot grec ÆkstasiV non seulement commence à designer la „possession“ divine, mais peut être considéré, depuis Philon, comme une notion qui convient bien pour évoquer l’état de l’approche divine, qui dépasse toute capacité rationnelle. D’une façon générale, le cas du développement de la signification du mot ÆkstasiV dans le texte de Philon peut servir d’un bon exemple pour montrer, comment le récit de l’histoire des relations des patriarches du peuple juif avec leur Dieu, le récit qui est extrêmement riche en notions spatiales et « cinétiques » (telle est aussi le sens étymologique du mot ÆkstasiV), offre pour un exégète diligent des innombrables occasions pour appliquer et développer les notions platoniciennes.