Cet article traite des stratégies génératives de signification utilisées dans le recueil de poésie Išlydžių zonos (Les zones des fulgurations) de Gytis Norvilas. Dans ce livre, les images de la réalité empirique se transforment en figures de la réalité mentale. Tout comme Stéphane Mallarmé, l'auteur du recueil nie l'illusion que l'expression externe de l'individu cache l'intériorité profonde. Son point de départ est une conception alternative du zéro en tant que vide et du zéro orienté vers l'infini.
Dans le recueil en question, les poèmes alternent avec des formations graphiques composées d'images et d'inscriptions. Dans le poème « autoportrait », la figure d'un homme-vélo est construite de roues de vélo, d’une chaîne de bicyclette démontée et d’une béquille cassée. La figure d'un escargot avec l'inscription « abbaye vignoble » et les paroles « moi nu 0 » inscrites sur la coquille de l'escargot correspondent aux configurations plastiques du vélo. Dans le poème « radiographie », l'image graphique fait penser à la symétrie d'une épreuve radiographique du torse. Dans le plan verbal, on développe l'opposition entre la vie et la mort, la statique et la dynamique, l'eau et le feu, le haut et le bas.
Le chapitre intitulé « géographie des corps » porte sur les relations actantielles entre l'homme et la femme. On fait ressortir trois aspects de la passion de l'amour : le désir, la jalousie et la béatitude.
De même que dans les croyances anciennes lithuaniennes, dans la mythologie poétique de Norvilas le terme marqué est l'eau qui signifie aussi bien la mort que la résurrection. C'est le regard d'un enfant qui renvoie au temps des origines des mythes. Dans le poème « abattoir Nº XX : près de Krekenava, janvier » l'enfant, confronté au carnage massif du bétail, qu'on localise dans l'enfer, fait ses adieux à l'enfance. L'auteur transforme aussi les mythes contemporains du sport.
La dimension polémique de l'énonciation est accentuée grâce à la prise de distance par rapport aux territoires « privatisés » par d'autres poètes. Tout en changeant de masques, le poète nie la possibilité d'un seul point de vue. Les images d'un monde renversé affirment la possibilité d'une poésie impossible.